CHAPITRE IV
Le navire n’avait pas explosé en s’écrasant.
Ce fut la première pensée de Yan Solo quand il reprit conscience. Il cligna des yeux ; sa tête le lançait. Alors il entendit le sifflement de l’oxygène qui fusait des fissures de la coque du Faucon Millenium.
Ils avaient survécu.
Un instant, il se demanda sur quelle planète ils se trouvaient, puis des souvenirs douloureux affluèrent.
Kessel !
Il écarquilla les yeux en découvrant les taches rouges qui maculaient les consoles de commandes.
Son propre sang.
Un goût cuivré dans la bouche, il avait l’impression que sa jambe gauche était en feu.
Quand il toussa, il cracha du sang.
Yan n’était pas parvenu à s’attacher avant l’atterrissage forcé. Heureusement, il n’était pas resté dans la tourelle. En s’écrasant, le Faucon avait fait un tonneau, et le canon supérieur avait été déchiqueté par l’impact.
Il espérait que Chewbacca s’en tirait à meilleur compte. Tournant la tête, le Corellien eut la sensation que des morceaux de verre se plantaient dans sa colonne vertébrale.
Dans le siège du copilote, le Wookie gisait, inerte. Sa fourrure était couverte d’un liquide brunâtre.
– Chewie ! s’exclama Solo d’une voix rauque. Dis-moi quelque chose !
Yan entendit le bruit sourd d’une explosion ; on venait de forcer l’ouverture du sas principal. Le reste de l’air du Faucon fut aspiré dans l’atmosphère raréfiée de Kessel.
– Génial ! grommela-t-il.
Avec la douleur qui lui vrillait les côtes, respirer était assez difficile comme ça.
Des pas lourds résonnèrent sur la rampe d’accès. Solo aurait voulu dégainer son blaster pour abattre quelques ennemis en un dernier combat loyal. Mais il parvenait à peine à garder les yeux ouverts.
Il s’attendait à voir débarquer une escouade de commandos de l’Empire ; la journée ne pourrait pas mieux finir.
Les intrus, s’ils portaient une armure, arboraient un mélange d’uniformes de gardiens de prison et de plaques blindées provenant de tenues impériales.
Ça n’avait aucun sens pour Yan, mais tout ce qui venait de se dérouler n’aurait pas dû se passer. Une aile X et un Tie combattant main dans la main ? Et contre lui ?
Le groupe était muni de masques à oxygène pour respirer dans l’atmosphère de Kessel. Les hommes se lançaient des ordres d’une voix étouffée.
Ressemblant à un épouvantail doté de membres incroyablement longs, l’un d’eux entra dans la cabine de pilotage. Yan eut le sentiment de le reconnaître, mais il ne parvint pas à retrouver son nom. L’« épouvantail » portait des brassards provenant d’une prison impériale, mais il brandissait aussi un double-blaster modifié, illégal sur nombre de planètes.
L’étranger baissa les yeux sur le blessé.
– Yan Solo, dit-il. (Bien que le masque couvrît le bas de son visage, le Corellien comprit que son interlocuteur lui adressait un large sourire.) Tu vas regretter d’avoir survécu à ton atterrissage.
Soudain, le nom de l’épouvantail lui revint en mémoire : Skynxnex ! Comment était-ce possible ? Il était en prison, après avoir échappé de peu à une condamnation à mort !
Une question se formait sur les lèvres de Yan Solo quand Skynxnex l’assomma d’un coup de poing…
Kessel.
Epices.
Ses pensées se muaient en un véritable kaléidoscope de cauchemar.
Solo avait toujours été fier du record de vitesse que le Faucon avait établi lors de l’aventure de Kessel, mais il précisait rarement qu’il était poursuivi ce jour-là par les Impériaux avec un chargement illégal d’épices dans les cales.
Il traficotait alors avec Moruth Doole, une sorte de crapaud qui se chargeait d’escamoter de la comptabilité impériale les quantités d’épices vendues au marché noir. Employé au complexe d’incarcération de Kessel, Doole recrutait les mineurs parmi les prisonniers. Yan Solo et Chewbacca avaient plusieurs fois travaillé pour lui, livrant les épices « noires » à des gangsters comme Jabba le Hutt.
Moruth Doole avait la sale manie de garder ses « assistants » jusqu’à ce qu’il décide que les dénoncer aux autorités serait plus profitable. Solo n’avait jamais pu le prouver, mais il le soupçonnait d’avoir aiguillé les Impériaux sur sa cargaison d’alors.
Le Corellien avait été contraint de larguer les épices avant d’être arraisonné. Plus tard, quand il avait voulu faire demi-tour pour récupérer sa cargaison, les Impériaux l’avaient poursuivi.
Solo s’en était sorti de justesse en frôlant de très près l’amas de trous noirs de la Gueule.
Cette sécurité illusoire avait été temporaire : la cargaison d’épices valait une petite fortune, et Jabba le Hutt avait déjà payé. Son patron de l’époque n’avait pas été ravi…
Repenser à tous ces mois passés dans la carbonite, à décorer un mur du palais de Jabba, le fit frissonner.
Autour de lui, il faisait noir et froid.
Ses dents claquèrent…
– Cessez ces convulsions ! ordonna une voix métallique. La température du centre médical a été baissée pour atténuer le choc post-chirurgical subi par votre métabolisme.
Ouvrant les yeux, Solo fixa l’ovale inexpressif d’un droïd.
– Je suis le droïd médical de la prison, annonça le robot. Je n’ai pas été programmé pour vous anesthésier ou faciliter l’opération. Si vous ne coopérez pas, votre traitement n’en sera que plus insupportable.
Yan leva les yeux au ciel.
On était loin des droïds conçus spécialement pour le confort des malades.
Le Corellien voulut bouger. Le centre médical de la prison était blanc et froid ; plusieurs cuves bacta occupaient un coin de la salle. Près des portes, il repéra des gardes.
Quand il tourna la tête, le droïd lui saisit les tempes entre ses mains métalliques.
– Vous devez rester immobile. Vous allez souffrir… énormément. A présent, détendez-vous.
A l’autre bout de la pièce, Chewbacca poussa un cri de douleur. Solo fut soulagé d’apprendre que son ami était toujours en vie.
Avant le traitement, bien sûr !
Il grimaça quand le droïd médical commença à l’opérer.
Chewbacca l’éveilla d’une étreinte enthousiaste, poilue et intensive. Yan gémit, puis il ouvrit les yeux.
La salle était si peu éclairée qu’il dut fixer quelques instants l’obscurité avant de voir quelque chose.
Il avait l’impression d’avoir été passé à tabac ; tout son corps lui faisait mal.
Grognant, le Wookie le serra dans ses bras.
– Du calme, Chewie ! Tu vas m’expédier au bloc opératoire, si tu continues !
Aussitôt, son ami le lâcha.
Solo se leva. Deux – non, trois – côtes et sa jambe gauche le démangeaient, ce qui indiquait l’intervention des réducteurs de fractures. Le Corellien était encore faible.
Chewbacca paraissait en aussi piètre état que lui. Le droïd médical lui avait rasé la fourrure du ventre pour l’opérer. Après un rapide traitement, les deux compères avaient été jetés dans un endroit sombre.
Yan prit une grande inspiration.
– Ça pue la mort ! s’exclama-t-il, comprenant que ce n’était pas qu’une plaisanterie.
Le Wookie grogna en pointant une patte sur l’énorme silhouette qui occupait un tiers de la cellule.
Solo cligna des yeux pour s’assurer que sa vision ne lui jouait pas de tour.
Immense, la chose était hideuse – en partie crustacée, en partie arachnide, et, à en juger par ses rangées de dents acérées, totalement carnivore. Ses mains griffues semblaient aussi grandes qu’un homme, et sa carapace était couverte de bosses.
Seul avantage de cette créature, elle était morte.
Sa carcasse puait.
La première fois que Yan avait approché un rancor, il était aveugle, un des symptômes de la maladie de l’hibernation. Jabba livrait ses ennemis en pâture au monstre. Depuis, il en avait vu plus d’un sur la planète Dathomir, où il avait courtisé la princesse Leia.
Celui-là avait pourri ; ses restes se momifiaient.
L’endroit ressemblait à un compromis entre un zoo et une prison.
La cellule était immense, compte tenu de la place qu’il leur restait pour bouger malgré le cadavre du rancor. Le sol était jonché d’ossements, la plupart d’entre eux mâchés ou concassés. Des traces bleues et vertes humides souillaient les murs. Solo entendait le plic régulier des gouttes d’eau tombant sur la pierre.
– Depuis combien de temps sommes-nous ici, Chewie ? Tu le sais ?
Chewbacca l’ignorait.
Yan réfléchit : ils étaient venus sur Kessel et s’étaient identifiés par leur nom, avec une immatriculation de la Nouvelle République. Une flotte de navires les avait interceptés – des chasseurs Tie, des ailes X et d’autres vaisseaux. Apparemment, les gens de Kessel préparaient un mauvais coup. Ils ne voulaient pas que la Nouvelle République l’apprenne.
Puis il se souvint de Skynxnex, qui s’était introduit sur le Faucon. C’était un voleur et un assassin, le contact qui servait d’intermédiaire entre Moruth et les trafiquants d’épices…
Solo entendit un bruit caractéristique : le champ de force entourant la cellule disparut. La porte se souleva doucement sur ses gonds hydrauliques. Une lumière blanche intense jaillit à flots.
Yan ferma les yeux ; il s’était accoutumé à l’éclairage diffus.
– Prépare-toi, Chewie ! murmura-t-il.
Si les gardes n’étaient pas nombreux, ils pourraient peut-être les vaincre et s’échapper. Mais le Corellien sentit ses côtes le lancer.
Adossé à une paroi, le Wookie gémit, découragé.
Si le garde est seul, myope et s’il vient de reprendre son service après plusieurs semaines de dysenterie…
– Aucune importance, Chewie, soupira-t-il. Voyons ce qu’ils vont dire.
La silhouette squelettique qui se découpa dans le rectangle de la porte était sans nul doute celle de Skynxnex.
– Alors, Yan Solo, j’espère que tu apprécies notre… hospitalité ? demanda l’épouvantail.
Souriant, Yan indiqua du menton le cadavre du rancor :
– Ouais, vous avez bien bossé pour transformer Kessel en parc d’attractions. Comme sur la planète Ithor.
Skynxnex fixa le monstre momifié :
– Ah, oui… Quand on a pris le contrôle de la prison, on a oublié de nourrir le rancor. Quel dommage ! Nous nous sommes souvenus de lui des mois plus tard. C’était doublement bête, car nous avions des prisonniers impériaux à lui offrir. Ça aurait pu être amusant. Du coup nous les avons envoyés dans les mines.
Le bandit eut un bref sourire :
– J’espère que les droïds médicaux vous ont aidé à récupérer. Il est important que vous soyez en assez bonne santé pour supporter un interrogatoire. Pourquoi êtes-vous venus espionner sur Kessel ?
Solo estima qu’il pouvait être totalement honnête et révéler le but de sa mission.
– Je suis prêt à parler.
La vérité suffirait-elle avec ces gens ?
– Ainsi, tu te souviens de moi, Solo ? Bien. Moruth Doole veut te voir sur-le-champ.
Yan haussa les sourcils. Doole était donc toujours en vie après tant d’années ? Menait-il encore la danse sur Kessel ?…
– J’adorerais parler au vieux Moruth ! Cela fait si longtemps. C’était un bon copain !
Skynxnex se racla la gorge ; derrière lui, les gardes ricanèrent.
– Oui, je crois l’avoir déjà entendu mentionner ton nom… Plusieurs fois.
L’ascenseur les conduisit hors de la zone de détention.
Skynxnex surveillait Solo et Chewbacca d’un air amusé. Son double-blaster les gardait en joue. Les deux autres, plus tendus, semblaient prêts à intervenir.
Voyant cela, Yan se sentit impressionné. Qu’avait-il fait pour inspirer une telle peur à ces gens ?
Chewbacca et lui étaient attachés par des menottes électriques. Solo se contrôlait assez pour bloquer les démangeaisons désagréables de ses avant-bras. Le Wookie, comme d’habitude, ne parvint pas à rester calme ; à plusieurs reprises, il manqua s’assommer.
Quand les portes s’ouvrirent, Skynxnex leur fit signe d’avancer. Le Corellien obtempéra, s’efforçant de garder une apparence détendue. Il avait eu des problèmes avec Moruth Doole et il n’avait aucune confiance en lui… Cependant, à ce qu’il savait, il n’y avait pas de problème entre eux.
Ils traversèrent les bureaux administratifs ; pour la plupart, ils avaient été saccagés ou brûlés. Puis ils entrèrent dans une salle dont les immenses baies vitrées donnaient sur le désert de Kessel. Au loin se découpaient les plaines salines. Les usines de traitement de l’oxygène projetaient leurs colonnes d’air dans l’atmosphère ; c’était tout ce qui rendait la planète encore habitable. En orbite, des boucliers antiradiations filtraient un important pourcentage des rayons X et gamma projetés par la Gueule.
Sans les épices, nul ne se serait risqué sur Kessel.
Sur le bureau, une plaque signalait qu’on était dans les quartiers du directeur. On avait ajouté un écriteau en basic : CHEZ DOOLE. Au mur pendait un agonisant congelé dans la carbonite. Doole avait appris une leçon de Jabba : exhiber un ennemi vaincu était dissuasif.
Yan frissonna.
Près des baies vitrées se tenait une silhouette aux allures de barrique. Solo reconnut immédiatement Moruth Doole.
C’était un Rybet trapu. Sa peau verte striée de marron rappelait celle d’un crapaud. Sèche, elle était lisse au point de paraître humide.
Comme toujours, Doole était vêtu de la peau d’un infortuné reptile. Sa cravate jaune indiquait qu’il entrait en période de reproduction.
Le Corellien n’osait pas imaginer qu’il puisse trouver une femelle consentante sur Kessel.
Son ancien partenaire se retourna, dévoilant un visage marqué par le temps, troublé par les tics et la paranoïa. Ses yeux trop grands avaient des fentes verticales en guise de pupilles… L’un était devenu blanc, comme un œuf à demi cuit. A l’autre il portait un appareil de focalisation, fixé sur son crâne par des lanières de cuir.
La lentille grossissante se plaça sur son œil valide avec un bruit mécanique.
– C’est bien toi, Yan Solo !
Le Corellien fronça les sourcils :
– Je vois que tu as trafiqué trop longtemps, Moruth. La vue part toujours la première !
– Les épices n’y sont pour rien, rétorqua sèchement Doole. Que fais-tu ici, Solo ? Je veux que tu me le dises, mais patiente un peu, que je te tire douloureusement les vers du nez.
Chewbacca rugit, furieux.
Yan voulut tendre les mains ; les menottes le foudroyèrent :
– Attends une minute, Moruth ! Explique-moi ce qui se passe. Je ne sais pas…
Le Rybet ne l’écouta pas :
– Le plus difficile est de me retenir de te faire écarteler sur-le-champ.
Le cœur de Solo battit à tout rompre :
– Ne peut-on discuter en êtres civilisés ? Nous étions partenaires, Moruth. Je ne t’ai jamais trahi. (Il ne mentionna pas qu’il soupçonnait son « partenaire » de l’avoir livré aux Impériaux.) Je m’excuse d’avoir agi de manière à t’inquiéter. Ne peut-on s’expliquer ?
Il se souvenait de sa conversation avec Greedo dans la Cantina de Mos Esley. Une fois offensé, Jabba le Hutt n’avait eu que faire d’explications. Il espérait que Doole se montrerait plus raisonnable.
Moruth fit un pas en arrière :
– S’expliquer ? Mijotes-tu de m’offrir une prothèse oculaire ? Je déteste la cybernétique ! A cause de toi, Jabba a expédié des assassins à mes trousses. J’ai dû les supplier de prendre uniquement mon œil !
Skynxnex s’approcha de Doole et lui parla à voix basse :
– Je crois qu’il ne sait pas ce qui est arrivé, Moruth.
Doole s’assit derrière son bureau :
– Solo, quand tu as largué ta cargaison d’épices, Jabba m’a cru responsable ! Il a envoyé des chasseurs de prime à mes trousses. Tout ça parce que tu avais eu peur !
Chewbacca grogna, outré.
Yan contint à grand-peine sa rage :
– Il a envoyé des chasseurs de prime pour me tuer aussi, Doole ! Greedo a voulu m’assassiner sur Tatooine. Boba Fett m’a capturé sur Bespin ; on m’a congelé dans la carbonite, comme ton ami ! (Il désigna la forme figée sur le mur.) J’ai été traîné devant Jabba !
Doole leva une main :
– Les sbires de Jabba s’étaient déjà infiltrés dans les opérations d’extraction ; il voulait me dénoncer pour reprendre le filon à son compte. Un de ses séides a détruit mes yeux. Il allait continuer, quand Skynxnex l’a tué.
A la porte, l’épouvantail se redressa, tout fier.
– Jabba m’a forcé la main ; j’ai dû agir. Nous avons organisé la mutinerie de la prison. Le directeur obéissait à Jabba, mais la moitié des gardes m’étaient acquis. Tu vois, je payais bien.
« Heureusement, l’Empire a été renversé en même temps. Nous avons pris le contrôle de Kessel. Les seigneurs esclavagistes, de l’autre côté de la planète, n’ont pas tenu longtemps. Je stocke les épices et je réunis une armada. Personne ne viendra me prendre ce que j’ai mérité ! Personne !
« Tout allait bien avant que tu ne mettes Jabba en colère contre moi ! Je ne craignais rien. Je savais abattre mon jeu. Maintenant, je sursaute en voyant mon ombre ; j’ai peur pour ma vie à chaque instant !
De son œil mécanique, Doole observa Solo un long moment :
– Mais détruire ma vie ne t’a pas suffi, n’est-ce pas ? Tu reviens avec un message de la Nouvelle République. J’avais parié que les survivants de l’Empire seraient les premiers à vouloir s’emparer des épices, mais tous les gouvernements sont bien les mêmes ! Tu fais un espion particulièrement inepte. Croyais-tu pouvoir revenir sur Kessel, jeter un coup d’œil, et rapporter à ta République les renseignements nécessaires pour nous renverser ? (Il frappa le bureau de sa main palmée.) Nous attaquerons les premiers en tuant l’espion, et nous serons prêts à détruire votre flotte quand elle surgira de l’hyperespace !
– Tu n’as aucune chance de t’en tirer ! ajouta Skynxnex.
Solo s’accorda le luxe d’un sourire. Puis il ricana :
– Vous vous trompez. Complètement.
Le Wookie hocha la tête.
Doole fixa Yan en silence un long moment :
– C’est ce que nous verrons.
Le Rybet sortit une clef de la poche de sa veste, et ouvrit un des tiroirs du bureau. A l’intérieur, il trouva un petit coffre-fort qu’il posa sur le meuble.
Il fouilla dans sa poche pour en tirer une autre clef.
Curiosité piquée, le Corellien le regarda ouvrir le coffre, pour en sortir une boîte plus petite. Doole remit les clefs dans sa poche.
– J’aimerais passer du temps à t’interroger, soupira le Rybet, mais je veux savoir quand la Nouvelle République attaquera, combien de navires elle enverra, et quelle force de frappe elle utilisera. Je désire ces informations maintenant. Il est possible que je me réserve plus tard le plaisir d’un interrogatoire en bonne et due forme.
Doole posa la main sur la boîte hermétiquement fermée. Avec un léger bourdonnement, un rai de lumière balaya sa paume pour identification.
Alors le coffret s’ouvrit.
Il était rempli de cylindres de la longueur d’un doigt enveloppés d’un papier noir.
Yan les reconnut aussitôt.
– Des épices ?
– Sous leur forme la plus pure. Grâce à elles, je saurai si tu dis la vérité. Tes pensées te trahiront.
Solo fut soulagé :
– Et si je n’ai aucune pensée secrète à trahir ?
Skynxnex le frappa du revers de la main. Chewbacca voulut intervenir ; les menottes lui infligèrent une décharge électrique.
Doole choisit un cylindre et le prit entre le pouce et l’index. D’un geste rapide, il ôta l’enveloppe protectrice.
Le Corellien regarda son ancien partenaire consommer les épices.
Il déglutit avec peine.
Moruth ferma son œil valide et inspira à fond. Les épices agissaient sur le cerveau, augmentant ses pouvoirs latents.
Doole se tourna vers les captifs.
Des tentacules mentaux pénétrèrent l’esprit de Yan, épluchant ses souvenirs pour découvrir des bribes d’information… Le Corellien voulut résister, même s’il savait ne rien pouvoir cacher à une personne dopée par des épices.
Skynxnex ricana, puis se tut aussitôt, craignant d’attirer l’attention de son patron.
Solo manqua exploser tandis que Moruth Doole disséquait les moments les plus intimes de sa vie avec Leia et qu’il assistait même à la naissance de ses enfants. Mais les effets des épices ne duraient que quelques instants. Doole s’inquiétait surtout de savoir pourquoi il était venu sur Kessel.
– Doole, je te disais la vérité, souffla le Corellien. Nous sommes venus pour rétablir des relations diplomatiques avec Kessel. La Nouvelle République essaie de commercer avec ce monde. Or tu viens de lui déclarer la guerre en abattant ses premiers ambassadeurs.
Chewbacca gronda.
Skynxnex se raidit, puis il avança :
– De quoi parle-t-il ?
Yan haussa le ton :
– Lis la vérité dans mon esprit, Moruth !
Les doigts psychiques fouillèrent plus profondément son cerveau. Doole essaya de confirmer ses soupçons ; mais les effets des épices se dissipaient.
Le Rybet ne trouva rien ; il n’y avait rien à découvrir. Il entrevit uniquement la puissance des forces qui se ligueraient contre lui. Une flotte qui avait réussi à renverser l’Empire suffirait sans nul doute à détruire l’armada hétéroclite de Kessel.
– Non ! gémit-il. Qu’allons-nous faire ? Il dit la vérité !
– Ce n’est pas possible, rétorqua Skynxnex. C’est…
– Les épices ne mentent pas. Il est ici pour les raisons qu’il a exposées. Et nous l’avons abattu ; nous l’avons emprisonné. La Nouvelle République viendra nous écraser !
– Tuons-les ! proposa son second. Si nous agissons vite, nous pourrons effacer leurs traces !
Yan sentit la peur le titiller à nouveau :
– Du calme ! Je suis sûr que les choses peuvent s’arranger avec quelques messages. Après tout, je suis l’ambassadeur ! Je ne veux pas qu’un simple malentendu…
– Non ! coupa Skynxnex. Le risque est trop grand. Solo sait que tu as renseigné les Impériaux pour qu’ils le prennent la main dans le sac !
En réalité, Yan s’était posé la question jusqu’à maintenant :
– Allons, inutile de paniquer, continua-t-il, je peux convaincre le Sénat de la Nouvelle République. Je connais personnellement Mon Mothma, et mon épouse Leia est membre du Conseil…
Il songea à la manière dont elle se chargerait du problème. Plusieurs fois, il l’avait vu démêler des embrouilles diplomatiques. Elle avait une manière remarquable de jongler avec les mots, d’aborder en finesse les problèmes d’autrui et d’influencer des partis opposés pour leur faire avaler un compromis.
Mais Leia n’était pas là.
– Oui, je suis d’accord, dit Doole.
Solo soupira de soulagement.
– Je suis d’accord avec Skynxnex. Je consulterai la boîte noire de ton navire, mais je doute que tu aies transmis un message à la Nouvelle République après être sorti de l’hyperespace.
« Un de nos chasseurs a bousillé ton antenne. La Nouvelle République n’a aucun moyen de savoir que tu es arrivé. Sans autre preuve, ils concluront que tu as été avalé par la Gueule ! (Moruth fit les cent pas devant les baies vitrées.) Nous effacerons les traces de ton passage de nos archives. Skynxnex, dit à mes mercenaires d’oublier le combat. Oui, c’est la possibilité la plus sûre !
– Tu commets une grave erreur ! s’exclama Solo.
– Non, je ne crois pas.
Chewbacca ulula une question.
– Le plus sage serait de vous tuer tout de suite, répondit Moruth. Mais tu dois payer pour ce que tu as fait, Solo. Même si tu travaillais pour moi pendant cent ans, tu ne pourrais pas compenser la perte de mon œil. Je vais vous envoyer dans les mines d’épices, dans les tunnels les plus profonds. Ils ont besoin de remplaçants, en ce moment.
Le Rybet sourit de sa bouche de crapaud :
– Personne ne vous trouvera jamais là-bas !